Depuis 2006, au cœur de la Vallée du Blavet dans le Morbihan, Filleule des Fées cultive du thé issu de l’agriculture biologique premium à partir de ses propres plantations.
Au départ, la plantation de thés ne comptait que dix arbustes – aujourd’hui, elle en compte plus de 30 000, répartis sur plus de trois hectares de terrain. Un véritable jardin de thé (et un véritable pari) au cœur de la Bretagne et de son climat brumeux.
Camellia sinensis : quésaco ?
Camellia Sinensis, le nom scientifique du théier, signifie camélia de Chine. Le théier, ou arbre à thé, est un arbuste à feuilles pérennes qui peut atteindre plusieurs mètres de hauteur. Il fleurit à l’automne en petites fleurs discrètes.
On en consomme les feuilles une fois celles-ci cueillies, transformées et séchées. La feuille juste cueillie ne présente pas d’arôme particulier : c’est la transformation qui leur permet de s’exprimer.
Les deux variétés de camélias à thé
Le théier est originaire d’une vaste zone située au Sud-Est de l’Himalaya. Il existe deux variétés principales de théiers : Camellia sinensis var. Sinensis et Camellia sinensis var. Assamica.
La variété assamica est la plus répandue dans le monde : elle est utilisée pour la fabrication du thé noir de consommation courante mais également pour le thé sombres les plus prestigieux.
La variété sinensis est quant à elle, utilisée pour tous les types de thé. Elle est à la base par exemple de la plupart des thé verts de Chine et du Japon, des thés bleus de Taïwan etc.
Thés mono-cultivar et assemblages
De même que le vin peut être produit à partir de différents cépages, le thé peut être cultivé à partir de différents cultivars ; environ 2000 cultivars ont été identifiés dans le monde : une cinquantaine sont utilisés pour la production de thé « mono-cultivar », ce sont les thés les plus estimés. Les assemblages sont en général plutôt destinés aux thés de consommation courante.
Où et comment se cultive le thé ?
Le théier est un arbre emblématique de l’Extrême-Orient où le thé est une véritable institution. Au-delà de l’agrément de la dégustation, il y est vecteur de spiritualité et d’harmonie sociale.
La Chine est premier pays producteur de thé avec près de trois millions de tonnes produites annuellement, représentant presque une moitié de la production mondiale. Elle produit tous les types de thés, alors que les autres pays producteurs sont souvent spécialisés sur un type de thé : citons l’Inde, le Kenya, le Sri-Lanka et la Turquie pour le thé noir ; le Japon et la Corée pour le thé vert ; Taïwan pour le thé bleu
Les théiers peuvent s’épanouir dans des conditions climatiques très diverses, tempérées à semi-tropicales. Ils préféreront un sol acide bien drainé, une hygrométrie plutôt élevée et une pluviométrie régulière. Une fois enracinés, ils seront résistants et autonomes : leur enracinement peut cheminer entre les rochers jusqu’à plus de six mètres de profondeur pour puiser les ressources hydriques et minérales nécessaires à leur croissance.
Les types de thé et leurs spécificités
La couleur du thé n’est pas définie par la couleur de la liqueur (infusion, couleur dans la tasse) ou par le type de théier.
Thé noir, thé bleu ou oolong, thé blanc ou thé vert : tous les thés proviennent de l’arbre Camellia sinensis, et seules diffèrent les méthodes de production : oxydation, flétrissage, séchage, roulage.
- Le thé noir (connu sous le nom de thé rouge en Chine, par la couleur de sa liqueur), se définit par des feuilles qui connaissent une oxydation complète avant d’être séchées.
- Le thé vert quant à lui n’est pas oxydé– ses feuilles, une fois cueillies, subissent une fixation pour stopper l’oxydation.
- Le thé blanc est peu oxydé : les feuilles subissent un minimum de manipulations, d’où sa réputation de « thé des paresseux », elles sont juste flétries et séchées..
- Le thé bleu, appelé également oolong est un thé semi-oxydé : de nombreuse manipulation (flétrissement à la lumière, brassages répétés) permettent au thé ne s’oxydé qu’en bordure de feuille ; il ne s’agit donc pas d’un thé vert insuffisamment fixé ou d’un thé noir insuffisamment oxydé, mais bien d’un thé ayant subi une transformation spécifique, longue complexe.
- Le thé sombre, appelé thé « noir » en Chine, subit une transformation apparentée à celle du thé vert ; il est ensuite post-fermenté en atmosphère par l’action de micro-organismes ; il est le plus souvent compacté sous forme de galettes, briques etc.
- Le thé jaune subit une oydation légère en atmosphère humide ; en Chine, il est fabriqué uniquement à base de bourgeons, ce qui en fait un thé rare et cher ; la couleur « jaune » est considérée comme impériale, ce qui ajoute à son prestige.
D'où provient l'initiative de faire pousser du thé sur le territoire français ?
Après des tentatives au Vietnam et en Guyane, une premières plantation de thé apparaît en France dans les années 1950 sur l’Île de la Réunion.
L'histoire du thé breton
Des théiers apparaissent en Bretagne au 19ème siècle, notamment parmi les collections de Camélias des beaux domaines bretons.
L’idée de cultiver et de produire du thé en France a germé en 1838 : le botaniste Jean Baptiste Antoine Guillemin, mandaté par le roi Louis-Philippe, effectue une mission au Brésil en vue d’étudier la possibilité de cultiver du thé en France. Il revient en France avec 1 500 théiers survivants (sur 3 000 embarqués) et des graines : il recommande de commencer des expérimentations… en Bretagne. Des expérimentations ont sans doute été menées, mais il semble que le projet ait été abandonné par suite du décès précoce de Guillemin en 1841.
Le projet de Denis et Weizi Mazerolle, couple passionné de thé depuis 40 ans
Denis, ingénieur de formation, se passionne pour le thé, qu’il découvre en Chine en 1983. Weizi, sa compagne, est d’origine chinoise et le thé fait partie de sa culture. Après avoir sillonné le monde à la découverte de plantations de thé aux productions artisanales, ce couple d’amateurs passionnés acquiert différents plants de thé en 2006 dans le but d’expérimenter une petite production personnelle.
Denis et Weizi commencent à faire du thé en 2010. Persuadés du potentiel de cette culture en Bretagne, ils agrandissent leur plantation en s’appuyant à la fois sur la reproduction d’anciens théiers bretons et sur l’importation de nouveaux cultivars de différents pays (Chine, japon, Géorgie, Népal, Taiwan…).
L’idée, dès le départ, est de proposer un thé bio cultivé de façon éco-responsable, et d’en faire un produit de terroir français exceptionnel. Le choix du lieu des plantations n’est pas anodin non plus : le climat breton, océanique doux, ses reliefs et ses sols granitiques et les conditions hygrométriques de la Vallée du Blavet s’avèrent idéaux pour lancer la culture de théiers.
La première année, lors du lancement du projet en 2006, une partie de la plantation de théiers est mangée par les chevreuils, mais d’année en année la plantation s’agrandit, jusqu’à atteindre plusieurs dizaines de milliers de théiers sur presque quatre hectares.
Aspects écologiques de la culture du thé
La démarche de Filleule de Fées se veut responsable, pédagogique et écologique : il est possible de produire du thé issu de l’agriculture biologique sur le sol français en respectant l’environnement et la biodiversité… ses pratiques finalement rares dans les pays traditionnellement producteurs de thé.
Les camélias Filleule des Fées se développent sans ajout d’engrais chimique ni de pesticide, en puisant dans le sol granitique acide de la vallée du Blavet.
La cueillette de jeunes pousses (bourgeons et jeunes feuilles) à partir du mois d’avril, se fait à la main et avec précaution pour ne pas stresser la plante.
Chaque année, les prélèvements de biomasse sont compensés par l’apport de paille, copeaux de bois et compost collectés à proximité.
Par ailleurs, des formations pratiques sont régulièrement organisées pour essaimer le savoir-faire développé par Denis & Weizi et permettre aux professionnels ou amateurs de cultiver et produire leur propre thé.
Quels thés sont produits en France hexagonale ?
Filleule des Fées produit de façon artisanale des thés noirs, blancs, verts et bleus. Certains thés dits « mono-cultivars » sont produits d’un seul cultivar, un peu comme un vin mono-cépage, c’est le cas notamment des thés verts ou bleus. D’autres sont le produit d’un assemblage de plusieurs cultivars.
La production de Filleule des Fées reste limitée : malgré le développement de la plantation, seule une petite partie des théiers est arrivée à maturité. La qualité recherchée alliée à une démarche éco-responsable limite fortement le rendement.
Les plantations de thé en France sont de plus en plus nombreuses (en Bretagne, Normandie ou dans les Pyrénées). Filleule des Fées échange continûment avec la communauté de producteurs et leur fournit une partie importante des plants de Camellia sinensis, ce qui leur permet de démarrer leur production avec des théiers adaptés à leur environnement et au thé qu’ils souhaitent produire.
Pendant l’été, le jardin de Trébihan est ouvert au public, offrant un espace dégustation et des activités ludiques tous publics.